La 10e édition du Festival de l’histoire de l’art à Fontainebleau aura lieu les vendredi 5, samedi 6 et dimanche 7 juin 2020 avec le Japon comme pays invité. Le thème fédérateur choisi cette année est le Plaisir. Chercheurs, conservateurs, artistes, professionnels du monde de l’art, éditeurs, étudiants, venant de France, du Japon et d’ailleurs, seront au rendez-vous avec le public pour montrer comment regarder de près des objets et des images, retracer leur histoire, comprendre leur sens, les restaurer, les exposer.
Comme chaque année, au cœur du Festival se déploieront conférences, tables rondes et débats, séances autour de l’actualité du patrimoine, projections de films, ateliers, le concours « Ma thèse en 180 secondes » et le Salon du livre et de la revue d’art. Cette édition se veut à la fois festive et accessible au grand public en offrant des présentations sous des formats variés, en favorisant des passerelles thématiques entre la programmation scientifique, la section cinéma et la programmation culturelle. Il s’adresse également aux professionnels des métiers de l’art à travers les rencontres professionnelles et aux enseignants via l’Université de Printemps.
Appel à communication : Le Plaisir
À l’occasion de son 10e anniversaire en juin 2020, le Festival se place sous le signe du plaisir : plaisir de créer, plaisir de voir, de toucher ou d’écouter, plaisir de collectionner, plaisirs corporels et spirituels, plaisirs interdits… Un grand thème qui a fasciné les sociétés à toute époque, et qui permettra de fêter cet anniversaire en beauté. Les communications sélectionnées suivront les fils thématiques suivants :
Le plaisir de l’œuvre, le plaisir esthétique
Stendhal évoquait « la faculté de recevoir par la peinture les plaisirs les plus vifs ». Le syndrome auquel il a donné son nom montre à quelles extrémités cette vivacité peut conduire. Pourtant, le plaisir de l’œuvre reste un impensé de l’histoire de l’art, peut-être même un refoulé. L’émotion donnée par l’œuvre, jusqu’aux larmes éventuellement, est-elle un sujet pour nos disciplines ? Sans doute, si nous nous rappelons qu’au fondement de toute esthétique il y a l’aesthesis, la faculté de sentir. À l’heure de la nouvelle science « neuroesthétique » portée sur les fonts baptismaux il y a une quinzaine d’années, elle connaît une actualité qui mérite d’être réinterrogée, sur les bases interdisciplinaires qui furent les siennes dès l’origine.
Le plaisir de créer
En amont de toute œuvre, dans ses infinies possibilités, le plaisir est d’abord « plaisir de désirer », écrit Jean-Luc Nancy, « désir d’un certain abandon », de se rendre disponible à ce que quelque chose advienne, « plaisir qui se plaît à porter le sujet hors de soi ». Tâche difficile celle de l’historien de l’art qui cherche à rendre compte de ce plaisir qui se moule à l’activité créatrice, qui se niche dans les difficultés du faire et se situe dans ce rapport d’intimité que l’artiste entretient avec sa pratique, son medium, son œuvre. Et pourtant, le plaisir de créer semble jaillir de partout. Autant dans les formes en gestation, dans les dessins et les esquisses, que dans les détails des œuvres achevées. À juste titre, Aristote reconnaît dans le plaisir non seulement une satisfaction du sensible mais l’une des conditions de la perfection de l’activité humaine : « sans activité, pas de plaisir ; sans plaisir, pas d’activité qui soit parfaite ».
Le plaisir de collectionner
Le plaisir de collectionner est inspiré par la curiosité, le savoir, le besoin de mettre à l’abri du temps. Très vite, ce plaisir s’obscurcit : du désir de voir et de toucher, il devient jouissance ; associé au désir de possession, il bascule dans la cupidité. Et si, perspective inversée, les objets attiraient leurs collectionneurs ? Ne faut-il alors pas plutôt situer la capacité d’agir du côté des œuvres, comme ont commencé de le faire les études matérielles en sciences humaines aujourd’hui ? Ce faisant, à l’histoire des collections, le plus souvent relatée sous la forme des biographies de collectionneurs, il faudrait ajouter l’historiographie des objets et des passions qu’ils suscitent, à travers les études de provenance et de circulation, l’histoire institutionnelle et l’histoire matérielle.
Plaisirs des sens, plaisirs spirituels
Les cinq sens ont été identifiés dans toutes les cultures. Articulés, hiérarchisés, ils ont donné lieu à des théories qui questionnaient aussi bien leur nature que leurs objets. Comment nait le plaisir des sens, comment peut-on l’orienter, le satisfaire, le contrôler ? Les artistes ont représenté ces plaisirs sensoriels et participé à la construction de leur conceptualisation. Ils ont aussi intégré ces a priori cognitifs et esthétiques comme présupposé à leurs créations : au choix des matières, à l’agencement des formes, et à la mise en contexte de la perception de leurs œuvres. Les artistes ont aussi joué de l’interconnexion entre les sens, parfois visé la synesthésie. Selon les cultures, ces cinq sens endossent des valeurs morales et opératoires différentes : parfois stigmatisés, précisément pour le plaisir qu’ils procurent, ils peuvent être, à l’inverse, sources d’un plaisir, ne serait-ce que celui de la contemplation, qui peut conduire vers le spirituel.
Art et plaisir érotique
Depuis les « Vénus » préhistoriques jusqu’à certaines performances artistiques contemporaines l’histoire de l’art a permis de questionner les corrélations fécondes et subtiles entre pratiques artistiques et finalités érotiques. Les axes de cette recherche ont non seulement appréhendé les modes de représentation du plaisir sexuel, mais plus encore se sont penchés sur les procédés de sa stimulation, au-delà de sa simulation. L’objet artistique non seulement dévoile, mais aussi exalte la jouissance physique. Ces dernières années, alors que le champ spécifique des « Porn Studies » s’est notablement développé, on a tenté d’articuler la question du plaisir érotique dans un contexte artistique à des considérations portant sur les cadres sociaux, culturels, politiques ou d’identité de genre.
Les plaisirs du jeu et de la sociabilité
En grec ancien, «le « jouer », paizein, désigne une activité qui procure du plaisir et de l’émotion, associées à différentes formes de performances, souvent compétitives, où l’adresse s’allie à la chance. De tout temps, le plaisir de jouer se décline dans l’espace privé et public, à l’intérieur – dans une taverne, dans les Bains… ou à l’extérieur – sur une esplanade, sous un portique… entre enfants, amis, amants, puissants. De nombreuses œuvres, depuis l’Antiquité, mettent en scène les différentes facettes du plaisir – érotique, agonistique …- que le jeu procure, y compris dans ses débordements, dans toutes les couches de la société. Le jeu fait intimement partie de l’histoire de la construction d’une sociabilité dans toutes ses dimensions, identitaires et genrée, explorées depuis quelques années. Sa représentation peut avoir une valeur métaphorique permettant de visualiser des stratégies amoureuses, le pouvoir des élites, de dénoncer ou se moquer de comportements transgressifs, avec parfois une valeur eschatologique (jouer contre la Mort) et oraculaire.
Les lieux de plaisir
Les lieux de plaisirs sont autant des décors que des scènes, privilégiés par les artistes : il y a des espaces de socialité, qui vont des espaces d’expositions aux lieux de festivités (jardins, salles pour les repas et les bals, salles de concert, théâtres, paysages de chasses ou de feux d’artifice…), des espaces consacrés aux plaisirs intimes (maisons closes, boudoirs, bains…) et les lieux propices à la création. La conception même de ces lieux, architecturale et décorative, est aussi à interroger : la scénographie des lieux d’exposition et de vie, l’architecture des musées et des châteaux, les objets dédiés au plaisir et les cadres de l’expérience sensible, échangent tous dans une même direction qui est celle de la place du contemplateur. Et qu’en est-il des lieux sauvages, qui échappent à l’emprise de l’homme et fascinent pour cette raison ? Les artistes sont également invités à faire part de leur expérience, et le Château de Fontainebleau, éminent lieu de plaisir, pourrait aussi être un support d’interventions autour de ce thème.
Le plaisir d’écrire sur l’art
L’histoire de l’art est une fille cadette des sciences humaines, proche mais distincte de l’histoire, de l’esthétique ou de la critique d’art. Au XIXe siècle, alors qu’elle s’impose véritablement comme une discipline scientifique, les pionniers du domaine ont œuvré à la mise en place de méthodologies rigoureuses et de formes « incontestables » d’objectivation. Certains historiens de l’art, notamment au XXe siècle (Roberto Longhi ou Daniel Arasse par exemple), dépassant cette austérité de l’objectivité scientifique, ont mis en exergue les formes de plaisir spécifique que leur pratique de la discipline suscitait et ont tâché non seulement de les exprimer mais aussi de les analyser. Quand le plaisir du texte et le plaisir de l’œil s’épousent.
Modalités de soumission et sélection des propositions
Les interventions du FHA adoptent des formats variés avec une priorité donnée à des interventions traduisant la recherche en histoire de l’art sous une forme vivante et destinée à un large public. Vous pouvez ainsi proposer une intervention pour une conférence individuelle ou une conférence à plusieurs voix, un débat ou une table ronde, ou encore un atelier pédagogique. La projection d’images est possible.
Les propositions d’intervention doivent être déposées jusqu’au 15 décembre 2019 inclus à l’adresse suivante : http://
• le titre du projet • Un résumé de celui-ci en 400 signes maximum (espaces compris) • Une présentation plus longue (2500 signes maximum espaces compris) • Un Curriculum vitae • Une bibliographie de vos travaux scientifiques ou professionnels autour du thème du Plaisir (1 page max.) • Un visuel en haute définition illustrant votre intervention et une photographie de vous, libres de droit. • Le format souhaité pour votre intervention (un temps donné aux questions du public est impératif) : Conférence individuelle (durée 20’ ou 30’) / Conférences à plusieurs voix (durée 45’) / Table ronde ou débat avec modérateur (durée 1h30) / Atelier pédagogique (durée 45’)
Les projets incomplets ne seront pas soumis au comité scientifique.
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