Appel à propositions d’articles pour le numéro 29 de la revue Projets de paysage (parution : décembre 2023), pour les rubriques « Dossier thématique » et « Matières premières »
Paysage(s) et jardins japonais hors du Japon
Coordination : Sylvie Brosseau (professeure à l’université Waseda à Tokyo), Hiromi Matsugi (assistant professor, International Research Center for Japanese Studies (Nichibunken)) et Catherine Grout (professeure, membre du LACTH, École nationale supérieure d’architecture et de paysage de Lille)
Argumentaire
La revue Projets de paysage se propose de publier dans son numéro 29 un dossier thématique intitulé « Paysage(s) et jardins japonais hors du Japon ». Celui-ci cherche à explorer ce qui est appelé communément jardin japonais (au singulier comme au pluriel) sous un angle international afin d’étudier des questions restant par ailleurs encore peu abordées dans les recherches portant sur les jardins japonais situés au Japon.
Cet appel limite plutôt le terrain d’étude à la France, aux pays voisins et francophones et fait suite aux deux journées d’études organisées par Japarchi (réseau scientifique thématique de chercheurs francophones sur l’architecture, la ville et le paysage japonais) et l’International Research Center for Japanese Studies (Nichibunken) en 2021 et en 2022, pendant lesquelles ont été examinés quelques exemples de jardins japonais en France et ont été soulevées les problématiques que le dossier thématique souhaite continuer à approfondir. Partant de ce thème bien particulier, nous posons l’hypothèse qu’il est possible de mettre au jour, de nuancer et de relativiser, dans les études sur l’art du jardin, certaines formes de stéréotypes, de références nationales, voire de nationalisme, afin d’explorer les mécanismes complexes d’échanges entre l’ici et l’ailleurs. Il peut s’agir, entre autres, de la fascination d’un pays lointain, du désir de recréer le même paysage dans son propre territoire, de la transmission d’informations concernant l’art du jardin, du transfert de mains-d’œuvre, de matériaux et de savoir-faire, du rôle des différents acteurs et de l’évolution de chaque jardin dans le temps.
Le jardin japonais est un type de jardin, comme le jardin à la française et le jardin à l’anglaise, reconnu par un style particulier considéré comme étant un style national. Cette labellisation tend à homogénéiser les traits de jardins à l’intérieur du pays et à accentuer les différences avec les jardins d’autres pays, construisant une image facilement reconnaissable : un jardin japonais serait un jardin irrégulier, relativement petit, composé avec des éléments typiques tels que la lanterne en pierre, la maison de thé, le pont arqué peint en rouge, la haie de bambou, les pas irréguliers, le bassin d’eau animé par des nénuphars ou des carpes, etc. Or, il y a plutôt une diversité de jardins japonais et par ailleurs ceux-ci introduisent des relations spatiales avec le paysage, que ce soit dans son entourage, dans son dialogue avec un lointain ou dans ses références archétypales. Dès lors, un accent particulier est attendu concernant ces diverses relations au paysage en tant que notion et démarche ainsi qu’aux paysages qu’ils soient réels ou des représentations, qu’il s’agisse des sources existantes initialement au sein des jardins japonais et renvoyant à un ou des paysages japonais ou de l’éventuelle transformation des paysages en lesquels ces jardins s’insèrent quand ils sont réalisés en dehors du Japon.
À partir de la question générale : qu’est-ce que peut être un « jardin japonais » (c’est-à-dire renvoyant à des références japonaises, qui concernent à la fois le jardin et le paysage japonais) à l’étranger ?, quels sont ses spécificités, décalages, apports, inventions et ambiguïtés ?, nous proposons quatre axes pour la formulation des contributions.
Axe 1 —Analyse des divers processus d’importation des paysages et des jardins japonais : imaginaires et approches spatiales
L’étude d’un jardin japonais historique permettra d’interroger la manière dont l’imaginaire d’un pays lointain est reflété dans un jardin et comment cet imaginaire s’amplifie à travers l’expérience du jardin. L’imaginaire peut être construit dans un va-et-vient entre les acteurs japonais et étrangers, soit par l’écriture, soit la diffusion des images, ou bien encore par des expériences plus directes comme un voyage au Japon, la visite du pavillon japonais lors d’une Exposition universelle. Comment cet imaginaire du Japon évolue, entraînant la transformation ou l’abandon du jardin, ou d’autres effets à décrire et à analyser. L’imaginaire du jardin pourra être associé à celui du paysage, le jardin étant parfois la représentation d’un paysage célèbre, vu ou transmis par des textes et des images. Une piste de réflexion pourra porter également sur ce que véhiculerait en France et/ou ailleurs la réalisation d’un jardin japonais au moment de sa création, sur ce que le(s) commanditaire(s) souhaiterai(en)t faire voir et comprendre (posture sociale, relations de pouvoir, apport symbolique), lors d’une visite, voire d’un événement ?
Pourra également être étudiée la question des valeurs (au sens sociologique) qui préside à la création/restauration d’un jardin dit japonais en relation avec les questions vives de société et les enjeux qui se posent en France, pays voisins et francophones et qui trouveraient à s’exprimer dans « le » jardin japonais. Une piste serait d’explorer comment celui-ci devient alors une sorte de réceptacle de préoccupations dans ces pays.
Axe 2 — Entretien, restauration, rénovation, transformation d’un paysage « transporté »
Le jardin se transforme au fil du temps et cette transformation témoigne, notamment pour le cas d’un jardin japonais, d’un processus d’adaptation, voire d’un dialogue à long terme avec une culture exogène. Comment un jardin japonais composé initialement avec des matériaux au moins en partie apportés du Japon se transforme-t-il sous un climat local et à travers l’entretien des jardiniers locaux ? Quelle est la vie des plantes exogènes ? Les acteurs japonais jouent également des rôles, comme les jardiniers japonais sollicités lors d’une restauration, ou dans un programme d’échanges professionnels internationaux. Quels sont les enjeux pour ces acteurs et quels sont leurs impacts sur l’état d’un jardin japonais existant ? Quels sont les discours véhiculés par les différents acteurs quant à l’imaginaire, aux contenus implicites, aux éventuelles références nationalistes ? Y a-t-il le développement de techniques particulières portées par une part d’imagination (et pas seulement d’imaginaire) en matière d’adaptation, voire d’invention ? Quels sont les paysages élaborés ?
Axe 3 — Création contemporaine en France et ailleurs : pratiques paysagistes et jardinières
Quelles sont les tendances récentes de création, et quels sont les contextes de ces créations ? Quelles sont les formes d’interaction, d’inspiration, d’intervention dans un monde globalisé en lequel les acteurs tels que les paysagistes et les jardiniers ont un parcours international et ils font (ou ont fait encore récemment) un va-et-vient parfois permanent entre le Japon et les autres pays. Quel est le rôle des architectes qui s’intéressent de plus en plus au rapport de l’architecture avec le paysage ? Quelle est l’influence du changement climatique et de la conscience écologique croissante sur la conception de jardins japonais à l’étranger ? Y a-t-il des créations qui, sans pour autant revendiquer d’être un jardin japonais, auraient des liens avec les jardins japonais ? D’autres stéréotypes émergent-ils ? Quels sont les imaginaires du Japon véhiculés, suscités ou évoqués aujourd’hui ? Depuis le début du xxie siècle, comment le (un) jardin japonais est-il évoqué, convoqué, cité par des paysagistes étrangers dans leurs réalisations, qu’elles soient spécifiquement celles d’un jardin ou d’un parc ou bien celles d’un aménagement (péri)urbain ?
Axe 4 — Images et réalités, tourisme et paysage(s)
La présence d’un jardin japonais peut participer à une promotion touristique locale ayant un rôle au-delà des frontières du jardin lui-même. Quelles sont les limites de sa présence, aussi bien visuelle dans le paysage que symbolique et économique ? Quelles sont les politiques locales de mise en valeur de tels sites, leurs objectifs et résultats ? Son apparence interrogerait à la fois la situation même du lieu et du climat, ce qui serait d’inspiration plus ou moins japonaise, ou une invention, et la mise en image d’une culture lointaine comme mise en récit et faire-valoir d’une histoire parfois complexe. Quelle est l’expérience de visite d’un « jardin japonais » touristique situé ailleurs qu’au Japon ?
Les rubriques
Cet appel à proposition d’articles concerne deux rubriques de la revue Projets de paysage.
Dossier thématique
Le « Dossier thématique » rassemble d’une manière classique des contributions à caractère scientifique (https://journals.openedition.org/paysage/267#tocto1n3).
Matières premières
La rubrique « Matières premières » accueille des témoignages originaux ou des recensions d’expériences, tout type de contributions issues de la pratique d’un professionnel ou d’un acteur associatif, au sein d’actions conduites dans le domaine du paysage, du projet de paysage et du jardin japonais en dehors du Japon. Cette rubrique est ouverte aux praticiennes et aux praticiens du paysage souhaitant partager leur travail ; elle a vocation à accueillir des écrits pouvant servir de matière à réflexion ou de contrepoint aux textes académiques du dossier thématique. Une attention particulière sera portée à la qualité de la forme écrite et graphique de la contribution. Seront privilégiés les témoignages revêtant un ton personnel qui porteront à la connaissance des éléments pratiques, situés, mis en contexte et explicités. Ils pourront apporter une partie très riche concernant des échanges de connaissance ainsi que des questionnements contemporains autour des quatre axes indiqués. Si la distance critique n’est pas exigée comme elle l’est pour le dossier thématique, la rubrique « Matières premières », parce qu’elle prend la forme d’un retour sur action, suppose néanmoins une certaine prise de recul, de distance et un travail de mise en forme.
Certaines propositions peuvent croiser plusieurs axes. Il est demandé aux personnes qui enverront leur proposition de signaler la rubrique et l’axe choisis.
Bibliographie indicative
Brown, K. H. et Cobb, D. M., 2013, Quiet Beauty: The Japanese Gardens of North America, Tōkyō, Tuttle.
Brown, K. H. et Levick, M., 1999, Japanese-Style Gardens of the Pacific West Coast. New York, Rizzoli.
Cluzel, J.-S. (dir.), 2018, Le Japonisme architectural en France (1550-1930), Dijon, éditions Faton.
Conder, J., 1893, Landscape Gardening Japan, et son Supplement, Yokohama, Kelly and Walsh.
Jeannel, B., 1995, Jardins japonais en France : art et poésie du paysage, Paris, Nathan.
Katahira, M., 2014, Nihon teien zō no keisei 日本庭園像の形成, Kyōto, Shibunkaku.
Lancaster, C., 1963, The Japanese Influence in America, New York, W. H. Rawls.
Matsugi, H., 2020, « Le jardin japonais comme champ des enjeux internationaux : tendances récentes de la recherche » Perspective, no 1, URL : http://journals.openedition.org/perspective/18948 ; DOI : https://doi.org/10.4000/perspective.18948
Matsugi, H., 2011, « Jardin japonais en France : exotisme, adaptation, invention », Projets de paysage, no 6, URL : http://journals.openedition.org/paysage/17560 ; DOI : https://doi.org/10.4000/paysage.17560
Suzuki, J., 2011, « Le jardinier japonais de Robert de Montesquiou – ses évocations dans les milieux littéraires », Cahiers Edmond et Jules de Goncourt, no 18, p. 103-112, URL : https://www.persee.fr/doc/cejdg_1243-8170_2011_num_1_18_1056
Suzuki, M. et al., 2006 et 2007, ‘‘Kaigai no nihonteien’’ chōsa hōkokusho「海外の日本庭園」調査報告書 – Japanese Gardens outside of Japan: Research Report, Tōkyō, Japanese Institute of Landscape Architecture, URL : https://www.jila-zouen.org/journal/overseasjgardens.
Tagsold, C., 2017, Spaces in Translation: Japanese Gardens and the West, Philadelphia, University of Pennsylvania Press.
Tamura, A. H., 2004, « Gardens Below the Watchtower: Gardens and Meaning in World War II Japanese American Incarceration Camps », Landscape Journal, no 23 (1), p. 1-21.
Yamada, S., 2005, Zen to yū na no nihonmaru 禅という名の日本丸. Tōkyō, Kōbundō ; Shots in the Dark: Japan, Zen, and the West, traduit par Hartman, E., Chicago/Londres/Kyōto, The University of Chicago Press/International Research Center for Japanese Studies, 2009.
Modalités de soumission
- Un résumé de 2 pages (soit environ 6 000 signes), comprenant une bibliographieindicative, 5 mots-clés et la mention du ou des champ(s) disciplinaire(s), devra être envoyé le lundi 20 février 2023 au plus tard à Emmanuelle Passerieux-Gibert : projetsdepaysage@gmail.com ;
- la rubrique (« Dossier thématique » ou « Matières premières) et l’axe choisis doivent impérativement être précisés ;
- les résumés doivent être envoyés au format .doc et non PDF ;
- une sélection sera faite à partir de ces résumés et la commande des textes aux auteurs sera envoyée le lundi 6 mars ;
- les textes devront impérativement être envoyés en fichier .doc (et non PDF) le mardi 6 juin au plus tard à Emmanuelle Passerieux-Gibert : projetsdepaysage@gmail.com ;
- calibrage impératif des textes pour le dossier thématique : entre 30 000 et 50 000 signes, espaces, notes et bibliographies comprises. Les textes plus longs ne seront pas acceptés ;
- calibrage impératif des textes pour la rubrique « Matières premières » : entre 15 000 et 30 000 signes, espaces, notes et bibliographies comprises. Les textes plus longs ne seront pas acceptés ;
- pour la présentation des textes et les consignes à suivre, veuillez impérativement consulter le site Internet de la revue à l’adresse suivante :https://journals.openedition.org/paysage/278
Directeur de publication : Alexandra Bonnet
Comité de rédaction
- Sabine Bouché-Pillon, maître de conférences en écologie urbaine à l’École de la nature et du paysage de Blois, INSA Centre Val de Loire, UMR 7324 CITERES (CNRS – université de Tours)
- Nathalie Carcaud, professeure de géographie à Agrocampus Ouest, UMR 6590 CNRS Espaces et sociétés (ESO)
- Bernard Davasse, géographe, professeur à l’École nationale supérieure d’architecture et de paysage de Bordeaux, Passages-UMR 5319 CNRS
- Élise Geisler, maître de conférences en sciences et architecture du paysage à Agrocampus Ouest (pôle paysage d’Angers), UMR 6590 CNRS Espaces et sociétés (ESO)
- Catherine Grout, professeure en esthétique, HDR, École nationale supérieure d’architecture et de paysage de Lille, chercheuse au Laboratoire Conception Territoire Histoire Matérialité (LACTH)
- Dominique Henry, paysagiste, docteur en géographie-aménagement, maître de conférences à l’École nationale supérieure d’architecture et de paysage de Lille, Passages-UMR 5319 CNRS
- Cyrille Marlin, paysagiste et géographe, maître de conférences à l’École nationale supérieure d’architecture et de paysage de Bordeaux, laboratoire PASSAGES-UMR 5319 CNRS
- Yves Petit-Berghem, géographe, professeur à l’École nationale supérieure de paysage de Versailles-Marseille, Laboratoire de recherche en projet de paysage (Larep)
- Sylvie Servain, géographe, professeure des universités, département École de la nature et du paysage, INSA Centre Val de Loire, UMR 7324 CITERES (CNRS-université de Tours)
- Monique Toublanc, sociologue, ingénieur paysagiste, maître de conférences honoraire à l’École nationale supérieure de paysage de Versailles-Marseille, Laboratoire de recherche en projet de paysage (Larep)
Comité scientifique
- Sylvie Brosseau, architecte-chercheur, université Waseda à Tokyo
- Serge Briffaud, historien, professeur à l’École nationale supérieure d’architecture et de paysage de Bordeaux, chercheur à Passages-UMR 5319 du CNRS
- Béatrice Collignon, géographe, professeure à l’université de Bordeaux-Montaigne, directrice de l’UMR Passages 5319
- Hervé Davodeau, géographe, enseignant-chercheur, maître de conférences, à Agrocampus Ouest centre d’Angers, UMR 6590 CNRS Espaces et sociétés (ESO)
- Gérald Domon, géographe, école d’architecture de paysage, université de Montréal
- Pierre Donadieu, professeur émérite en sciences du paysage à l’École nationale supérieure de paysage de Versailles-Marseille
- Sabine Ehrmann, artiste, docteure en esthétique, enseignante à l’École nationale supérieure d’architecture et de paysage de Lille (ENSAPL), chercheuse du Laboratoire Conception Territoire Histoire Matérialité (LACTH)
- Georges Farhat, architecte, historien des jardins et du paysage, Associate Professor, université de Toronto et membre fondateur du Laboratoire de l’école d’architecture de Versailles (Léav)
- Viviana Ferrario, architecte, enseignante-chercheuse à l’université IUAV de Venise
- Marina Frolova, géographe, professeure au département de géographie régionale et physique, faculté de philosophie et de lettres, université de Grenade
- Josefina Gómez Mendoza, professeur émérite de géographie à l’université autonome de Madrid
- André Guillerme, professeur d’histoire des techniques au Conservatoire national des arts et métiers à Paris
- Fabienne Joliet, géographe, professeure à l’Institut national de l’horticulture et du paysage à Angers (Agrocampus-Ouest)
- Laurent Matthey, géographe, professeur assistant, département de géographie et environnement de l’université de Genève
- Francesca Mazzino, professeure en architecture du paysage, coordonnatrice du master interuniveristé « projet des espaces verts et du paysage », université de Gênes
- Yves Michelin, géographe et agronome, professeur à VetAgroSup
- Diego T. Moreno, professeur de géographie, coresponsable du Laboratoire d’archéologie et d’histoire environnementale (LASA), DAFIST-DISTAV, université de Gênes (Italie)
- Philippe Poullaouec-Gonidec, architecte, paysagiste et plasticien, directeur de la chaire Unesco en paysage et environnement (Cupeum) et de la chaire paysage et environnement (Cpeum), professeur à l’École d’architecture de paysage de l’université de Montréal (Canada)
- Sylvie Salles, architecte et urbaniste, Ensa Paris-Val de Seine
- Anne Sgard, professeure de géographe, université de Genève
- Nicole Valois, professeure à l’École d’urbanisme et d’architecture de paysage de l’Université